"Même un bébé mort-né a une histoire, une place dans une famille. Il a existé." Françoise Dolto, pédopsychiatre.
Pour les parents, les grands-parents ou encore les fratries, la vulnérabilité est réelle et bien souvent extrême.
En effet, perdre un bébé représente pour les parents un chagrin d’autant plus intense qu’il n’est pas ou peu partagé de l’entourage familial ou amical.
Souvent mal compris, le deuil périnatal est surtout méconnu et peut devenir ainsi tabou.
Il y a aussi cette idée qu’on ne devrait pas trop en parler, ou pas trop longtemps en souffrir, parce que ce n’était "pas un vrai bébé" pour certains.
Or, pour les parents, c’était déjà un enfant, un avenir, un projet, un amour en construction.
Pour la rabbine Delphine Horvilleur, "Parler, ce n’est pas seulement raconter. C’est reprendre possession."
Ainsi, ces parents nommés « paranges » en ces circonstances ne s’autorisent pas toujours à rendre hommage à leur bébé.
Ils n’osent pas envisager une célébration funéraire alors qu’elle serait une alliée pour débuter avec apaisement leur processus de deuil.
Selon la définition de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), on parle de deuil périnatal lorsque des parents perdent leur bébé entre la 22e semaine d’aménorrhée et le 7e jour après sa naissance.
Le décès survient généralement soit :
· en cours de grossesse,
· ou à la naissance,
· ou bien dans les heures ou jours qui suivent l’accouchement.
Il est possible d’utiliser différents termes en fonction des délais ou circonstances du décès :
Comme l’explique l’avocat Xavier Anonin, spécialisé du droit dans le secteur du funéraire :
« Outre l’allongement du recours à ce modèle et à son changement de nom, passant de "néonatal" à "infantile", se conformant ainsi, sur le plan sémantique, aux définitions de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), relative à la mortalité néonatale (28 jours) et à la mortalité infantile (1 an), la partie administrative de ce nouveau modèle évolue pour devenir quasi identique à l’autre modèle de certificat de décès.
L’arrêté du 29 mai 2024 relatif aux deux modèles du certificat de décès dispose qu’il est institué à compter du 1er janvier 2025 deux nouveaux modèles de certificat de décès.
Le premier concerne les décès infantiles jusqu’à trois cent soixante-quatre jours de vie (mort-nés exclus). Le second concerne les décès à partir de trois cent soixante-cinq jours.
Ce certificat est à remplir pour tous les décès d’enfants nés vivants et viables, et décédés entre la naissance et 364 jours révolus. La viabilité est définie par un âge gestationnel d’au moins 22 semaines d’aménorrhée ou un poids de naissance d’au moins 500 grammes, et ne tient pas compte de l’existence ou non de malformations.
Il n’est pas à remplir pour les enfants mort-nés (enfant n’ayant présenté aucun signe de vie, même si une réanimation a été mise en œuvre (les gasps ne sont pas considérés comme des signes de vie). »
Ces deux formats de certificats de décès sont visibles depuis les sites officiels ainsi que dans l’ouvrage Code Funéraire de Xavier Anonin (aux Éditions de L’Aître) qui recense chaque année les principaux textes législatifs, réglementaires et internationaux du droit funéraire.
Comme l’indique l’INSEE : « En 2021, environ la moitié (50%) des décès d’enfants de moins d’un an ont lieu moins d’une semaine après la naissance, un quart entre 7 et 27 jours et un quart après 27 jours de vie. Et en 2023, le taux de mortalité infantile s’établissait à 4,0 nouveau-nés décédés dans l’année pour 1 000 enfants nés vivants, soit un taux de mortalité infantile s’établissant à 0,4 %. »
On parle d’une fausse couche lorsque le décès d’un embryon ou d’un fœtus non viable pesant moins de 500 grammes, survient au cours des 20 premières semaines de grossesse.
À ce moment-là, les démarches administratives ne sont pas nécessaires, car il n’y a pas d’acte de reconnaissance légale.
Cependant, les parents sont totalement libres d’organiser une cérémonie ou un rite d’au revoir.
« Il est possible d’organiser un rite d’au revoir en allumant une bougie par exemple, en lisant un texte ou un poème au sein du couple ou bien de faire réaliser un cadre souvenir d’un montage personnalisé et finement conçu. Encore tabou dans nos sociétés, la fausse couche reste quelque part un non-dit mais une réelle épreuve dans la vie d’une femme.
Pour inciter au dialogue, je conseille l’ouvrage « La petite graine qui ne voulait pas pousser » de Aurélie Bianchi, doula spécialisée dans le deuil périnatal. C’est l’opportunité de pouvoir rendre concret ce bébé en plantant réellement une graine dans un jardin ou un lieu de votre choix » éclaire Audrey Gourlaouen, maîtresse de cérémonie L’autre rive.
Le terme doula désigne une personne qui accompagne les personnes pendant des moments de la vie, principalement la grossesse, la naissance… mais aussi le deuil, notamment le deuil périnatal.
Au Québec où cette fonction est davantage répandue, on parle alors de thanadoula dans le cadre d’un accompagnement pour la fin de vie.
De formation non médicale, la doula ou thanadoula n’est ni psychologue, ni sage-femme.
La doula ou thanadoula est un véritable soutien émotionnel, physique et parfois spirituel.
Elle peut intervenir dans les actions suivantes :
La législation française indique précisément les démarches possibles lors d’un deuil périnatal :
Lors du décès d’un enfant né vivant, une déclaration de naissance à l’état civil puis une déclaration de décès sont émis.
Il appartient alors aux parents d’organiser les obsèques de leur choix.
Un enfant mort-né (ou né non viable, c’est-à-dire à moins de 22 semaines d’aménorrhée et pesant moins de 500g), bénéficie d’un certificat médical d’accouchement.
Les parents peuvent alors faire une déclaration à l’état civil d’ « enfant né sans vie ».
Ils peuvent choisir librement soit d’organiser des obsèques, soit de laisser l’établissement prendre en charge le devenir du corps.
Lors d’une fausse-couche précoce ou IVG, aucun certificat médical d’accouchement n’est établi, la déclaration à l’état civil n’est pas possible. C’est l’hôpital qui prend obligatoirement en charge l’embryon.
Depuis le 1er juin 2022, le nouveau livret de famille permet aux parents qui le souhaitent, de déclarer prénoms et nom d’un enfant né sans vie. Auparavant, la déclaration était possible, mais sans mention de nom.
Comme l'écrit Éric-Emmanuel Schmitt, écrivain et philosophe : "On ne guérit jamais de l’absence d’un enfant. On apprend à vivre avec une douleur devenue familière."
Les deuils sont légitimement des épreuves de vie.
Néanmoins, le deuil périnatal diffère par de nombreux aspects et constitue un traumatisme particulièrement difficile à vivre pour les parents et notamment les mères.
En effet, aucun parent n’est préparé à perdre un enfant avant ou après sa naissance, car ce scénario ne fait pas partie du processus projectif.
Un enfant représente généralement la vie ainsi qu’une vision positive tournée vers le futur d’une famille. Le deuil d’un enfant diffère de la perte d’une personne ayant vécu, où les coutumes tendent vers le fait de se remémorer les souvenirs du passé et ce que l’on a vécu avec le défunt.
De plus, le lien affectif avec l’enfant à naître s’amorce à différents moments.
Pour la plupart des parents, ce lien s’établit bien avant la naissance du bébé, souvent avec les premiers mouvements fœtaux et parfois même dès la planification de la grossesse, comme lors d’un parcours de PMA (procréation médicalement assistée).
Aujourd’hui, les techniques avancées d’échographie permettent aux parents :
· d'entendre le cœur du bébé,
· de le voir en imagerie 3D,
· et même d’entrer avec lui en communication via la pratique de l’haptonomie.
Quand la présence du bébé est déjà symboliquement forte au sein de la famille / du cercle familial et amical
En effet, mais cela dans le cercle très fermé des parents, de la fratrie et du noyau familial et amical proche.
Lorsque le décès survient, l’onde de choc n’est que démultipliée et impactent les parents bien plus largement. En effet, ils ont l'impression de perdre :
Démunis, les parents, souvent jeunes, n’ont que très peu été confrontés au deuil et surtout à l’organisation d’obsèques.
Ils souffrent d’un isolement dans leur peine, d’une faible écoute face à leur deuil et d’un manque de reconnaissance sociale.
Un gap se crée entre la tristesse intense des parents et un entourage certes dans la peine, mais beaucoup moins sensible à la perte de ce petit être mort-né.
Les proches peuvent se sentir mal à l’aise de parler de ce décès avec les parents.
« Aux yeux des parents, le besoin de reconnaitre l’existence de leur enfant, se fait ressentir comme une évidence, pour rendre hommage et garder trace de leur bébé. Ne rien faire, reviendrait à refuser l’idée qu’il a pu exister » poursuit Audrey Goulaouen.
L’émotion est telle, après la mort d’un bébé, que les parents et notamment les mères sont dans l’incapacité d’initier l’organisation d’obsèques.
« N’oublions pas que les mères doivent surmonter une douleur physique post-accouchement et une douleur émotionnelle intense. Face à l’incompréhension, l’isolement, et le manque de repère, nous sommes là pour écouter, soutenir et accompagner les parents dans le respect de leurs cultures ou leurs croyances. » précise Audrey Goulaouen, conseillère funéraire et maître de cérémonie sur Rouen.
Si l’enfant a un état civil complet, c’est-à-dire un acte de naissance et de décès, organiser ses obsèques est obligatoire.
Et désormais, quel que soit le terme, dès qu’un certificat d’accouchement a été établi par le médecin, des obsèques individuelles sont possibles.
Mais, même si aucun document ne peut être délivré, dans la situation d’une fausse couche spécifiquement, les parents restent libres d’organiser une cérémonie d’hommage de leur choix.
Les services de pompes funèbres de l’autre rive sont à l’écoute pour organiser une célébration et guider les parents.
« C’est un moment essentiel pour évoquer l’enfant, le nommer, lui donner une place. C’est aussi l’opportunité de ne pas faire de ce drame un silence, un tabou, un non-dit, de donner un rôle au père et de laisser à l’entourage l’opportunité d’apporter son soutien. Pour démarrer un deuil, il faut un point de départ. » indique Audrey Goulaouen.
Tout se déroule comme pour un enterrement classique. Les parents peuvent apporter une tenue de leur choix, et prendre un temps de recueillement au moment de fermer le cercueil. Une crémation est également possible.
« Les parents sont souvent perdus dans la manière d’organiser les obsèques. Ils sont en souffrance et dans le désarroi, notre rôle est aussi de les guider vers des aidants comme des psychologues et de les inviter à s’ouvrir et laisser émerger leur peine.
Nous proposons des idées comme réaliser un petit bijou avec l’empreinte de la main ou du pied du bébé, un lâcher de ballons, faire un hommage de dernier au revoir. Lors d’une célébration, nous avions préparé des stickers en forme de cœur, d’angelots et de soleil, pour que chacun puisse écrire un mot et le poser sur le cercueil. Via ce geste simple, les proches ont soutenu les parents. Ce temps de rituel est précieux pour tous. » conclut Audrey Goulaouen, dirigeante de l'agence de l'autre rive Rouen.
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